Aïsha Can’t Fly Away, le regard de Morad Mostafa
Développé à la Résidence du Festival en 2023, Aïsha Can’t Fly Away est le premier long métrage de Morad Mostafa. Ce thriller, présenté à Un Certain Regard, nous plonge au cœur du Caire dans le quartier d’Ain Shams, où vit Aïsha, une Somalienne de 26 ans. Un gang lui propose d’assurer sa protection en échange d’une faveur, jusqu’à ce que la situation dégénère.
Racontez-nous la genèse de votre film.
J’ai passé mon enfance dans le quartier d’Ain Shams jusqu’à l’âge de 13 ans, au cœur du Caire, où vivent de nombreux Africains, et qui s’est peu à peu transformé, en quelque sorte, en une enclave de la communauté soudanaise. Au départ, je me suis demandé pourquoi il n’y avait pas de héros non Égyptiens dans notre cinéma. Les immigrés africains occupent toujours des rôles secondaires, très modestes. Je voulais parler de notre société à travers des personnages non Égyptiens et l’observer d’une manière différente, à travers leurs yeux, pour raconter le changement qu’a connu la société égyptienne ces derniers temps.
Quelle a été votre méthode de travail ?
En général, je n’utilise pas de storyboard, ni de découpage. J’essaie d’intégrer la caméra au scénario alors même que j’imagine la scène, car je ne suis pas un auteur. Je raconte l’image que je veux voir, les instants et les sentiments que je veux montrer sur grand écran. J’ai toujours abordé la réalisation avec un style de caméra libre qui évite les découpages rigides.
Quelques mots sur vos interprètes ?
La collaboration avec les acteurs a été une expérience remarquable. J’ai toujours préféré travailler avec des non professionnels parce qu’ils apportent quelque chose de rafraîchissant et de mouvant à leur performance. Contrairement à ceux qui ont été formés à certaines méthodes spécifiques ou aux diplômés d’écoles de cinéma, ils n’ont pas été façonnés. Comme moi, ils ressentent l’histoire et ses émotions avec une sincérité authentique.
Que vous a appris la réalisation de ce film ?
Pendant la phase de développement, j’ai appris à m’immerger totalement dans l’univers et les personnages du film, en les reconstruisant avec profondeur et nuance. Mon expérience de quatre mois à la Résidence du Festival de Cannes, à Paris, a fait office de plongée intensive dans les profondeurs du scénario.
Quel sera votre prochain projet ?
Je prépare un court métrage sur des adolescents égyptiens, un road movie dans un genre dramatique, celui que je préfère. J’espère que nous pourrons le tourner bientôt.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur ?
Ma relation avec le cinéma a commencé très tôt, lorsque mon frère m’emmenait dans les vidéoclubs où on louait des cassettes de films étrangers et européens. Bien que je n’aie pas étudié en école de cinéma, j’ai choisi de me plonger dans ce milieu à travers une expérience concrète et j’ai commencé à travailler en tant qu’assistant réalisateur. Ces années ont façonné ma vision de réalisateur et m’ont rapproché du cinéma non seulement comme profession, mais aussi comme moyen de comprendre le monde et de s’y engager.