Homebound, le regard de Neeraj Ghaywan

HOMEBOUND © Dharma Productions Pvt Ltd

Dix ans après Masaan, Neeraj Ghaywan revient au Certain regard avec Homebound, un drame qui suit deux amis d’enfance du nord de l’Inde aspirant à devenir policiers pour échapper à leur condition. Mais à mesure que leur rêve se concrétise, leur amitié vacille.

Quelle est votre méthode de travail ?

Je crois en la collaboration et en une équipe démocratique, fondamentalement inspirée par la vision du film. J’essaie de m’aligner sur des personnes dont les valeurs, la politique et le tempérament correspondent aux miens. L’inclusion est essentielle : au moins 50 % de femmes dans chaque département, et l’intégration de personnes issues de communautés marginalisées. Je préfère former plutôt que d’écarter. Je crée une atmosphère familiale, logeant l’équipe ensemble, insistant sur le respect mutuel : chacun est appelé par son prénom, le comportement professionnel est non négociable. J’ai aussi désigné deux référents (un homme et une femme) pour traiter les éventuels problèmes. Sur le plan créatif, j’ai instauré un système “Code 360” pour les scènes émotionnelles : silence absolu, ambiance musicale adaptée, personnel réduit. Ces pratiques favorisent un environnement de tournage sûr, concentré et inspirant.

Quelques mots sur vos acteurs ?

Je reprendrais sans hésiter les mêmes acteurs. Ils ont apporté une empathie profonde et une pensée critique à leurs rôles. Ishaan est méthodique, intuitif, avec une grande sensibilité. Il comprenait souvent une scène sans explication. Vishal a incarné Chandan avec une innocence authentique, puisant dans sa propre expérience. Leur amitié à l’écran s’est construite grâce à des moments de vie partagés. Janhvi Kapoor, interprète de Sudha, a fait preuve d’une empathie remarquable. Elle a lu Annihilation of Caste, vu des films comme Rosetta ou Three Colours: Blue, et fait ses propres recherches. Elle a apporté une tendresse et une clarté morale essentielles. Même les rôles secondaires ont été interprétés avec une immersion sincère. Ce qui rend cet ensemble unique, c’est la vérité émotionnelle que chacun a explorée.

Qu’avez-vous appris au cours de la réalisation de ce film ?

Ce film m’a appris l’humilité, l’empathie et la patience. Le casting m’a montré qu’il faut plus que du talent : une connexion morale avec le personnage est essentielle. L’immersion dans les villages des personnages a été une révélation : rien ne remplace l’expérience vécue. Un repas partagé dans un village m’a bouleversé : si peu de richesses matérielles, mais tant d’humanité. Ces moments m’ont rappelé que filmer, c’est s’ouvrir à la réalité des autres, avec respect. Ce film m’a appris que la narration est un acte d’écoute, de service et de gratitude.

Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de votre film ?

L’importance de la gentillesse et de l’empathie, surtout envers ceux qui ne nous ressemblent pas. Voir l’autre comme un égal. Une citation de Rilke m’a guidé : “Aucun sentiment n’est définitif”. J’espère que le film laisse un sentiment de résilience, d’espoir et d’humanité.

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir réalisateur ?

J’ai étudié l’ingénierie, fait un MBA, travaillé en entreprise. Mais j’ai toujours été attiré par la narration. Le déclic : Pather Panchali en cours de cinéma. J’ai compris que le cinéma pouvait révéler des vérités humaines profondes. Faute d’école de cinéma, je me suis formé seul : critiques, visionnages, analyses. J’ai travaillé sur Gangs of Wasseypur. Mes influences sont éclectiques : Béla Tarr, les frères Dardenne, Haneke, Ken Loach, Gulzar… J’aime les récits où la politique enrichit l’histoire, sans la dominer.