La misteriosa mirada del flamenco, le regard de Diego Céspedes

Prix de la Cinéfondation en 2018 avec El verano del león eléctrico, Diego Céspedes place l’intrigue de son nouveau film La misteriosa mirada del flamenco (Le Mystérieux Regard du flamand rose) au nord du Chili, son pays natal. Présenté à Un Certain Regard, ce drame psychologique autour du sida s’installe dans les années 1980.

Quelle est la genèse de ce film ?

Il n’y a pas eu à proprement parler de moment décisif. Il s’agit plutôt d’une série de petits moments qui ont inspiré sa construction. L’un de ces moments provient d’une histoire passée : lorsque j’étais bébé, mes parents tenaient un salon de coiffure dans la banlieue de Santiago – d’où est originaire toute ma famille – et tous les homosexuels qui y travaillaient sont morts du sida. Cela a profondément affecté ma mère, qui a développé une peur énorme – et aussi un préjugé – à l’égard de cette maladie.

J’ai donc grandi avec une idée terrifiante de ce qu’était le sida. Mais en grandissant, et en apprenant à me considérer comme homosexuel, le monde a commencé à s’ouvrir. J’ai rencontré des personnes dissidentes qui ont changé mon point de vue : des personnes que je considère comme des êtres profondément lumineux. Et je pense que c’est l’un des aspects les plus importants de ce film : comment ces personnes survivent – et aident les autres à survivre – grâce à l’amour et à la création de familles choisies, non biologiques.

Quelle est votre méthode de travail ?

Ma méthode de travail est très méticuleuse en ce qui concerne l’esthétique, mais beaucoup plus libre en ce qui concerne l’interprétation. Je passe beaucoup de temps à construire l’atmosphère dans mon esprit, à réfléchir à la manière dont je veux la matérialiser.

Quelques mots sur vos acteurs ?

Je suis très fier de ma distribution, un beau mélange d’acteurs professionnels et non professionnels, des enfants – et même des animaux !

Au début, je craignais d’avoir une enfant de 11 ans comme protagoniste (Lidia, Tamara Cortés). Mais elle a été comme un chêne : enthousiaste, stable et pleine d’une énergie qui ne s’est jamais éteinte. Je me souviens particulièrement d’une scène complexe, pleine de directives, que je pensais devoir tourner en plusieurs prises. Mais Tamara l’a parfaitement réussie en une seule prise. J’ai été profondément ému par son travail, son talent et sa compétence. Je suis très fier d’elle.

Paula Dinamarca, qui joue Mamá Boa, est une actrice non professionnelle qui a réussi à construire un personnage en s’inspirant de femmes transgenres plus âgées qu’elle a connues. Son visage, sa présence naturelle, sa rage et son amour remplissent le petit vase qui contient l’essence du film.

Matías Catalán, qui joue Flamenco, est acteur et c’est l’un de ses premiers rôles importants. Il a tout donné au personnage. Au Chili, malgré l’immense quantité de talents, il est encore difficile de convaincre les productions de prendre des risques avec de nouveaux visages. Matías est l’un de ces visages, et son jeu a quelque chose de magnétique.

Il en va de même pour Pedro, qui joue le rôle de Yovani. Il a cette capacité à exprimer tant de choses à travers ses yeux et son corps – quelque chose que je n’avais pas vu auparavant, d’incroyablement puissant.

Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent de votre film ?

J’aimerais qu’il nous rappelle combien il est important de regarder des visages qui ne nous ressemblent pas, surtout par les temps sombres qui courent.