Rencontre avec Romane Guéret et Lise Akoka, les réalisatrices de Ma frère

MA FRÈRE © Bettina Pittaluga

Leur premier film Les Pires avait été sacré du Prix Un Certain Regard en 2022. Cette année, le duo de réalisatrices formé par Romane Guéret et Lise Akoka est de retour avec Ma frère, dérivé de leur série Tu préfères ?. Un nouveau long métrage lumineux sur la jeunesse et les vacances, présenté dans la sélection Cannes Première.

 

Ma frère est un film qui reprend les personnages de votre série Tu préfères ? Quand avez-vous ressenti l’envie de prolonger leurs histoires ?

Lise Akoka : Après Tu préfères ?, on s’est interrogées sur une saison 2. Mais en y réfléchissant, on s’est dit que le format de la série ne nous permettait pas de déployer ce qu’on avait envie de raconter. Nous avions envie de sortir de cet aspect chronique. Et puis, surtout, il y avait Shirel Nataf et Fanta Kebe, nos deux comédiennes, à qui nous souhaitions offrir un terrain de jeu plus large pour exprimer tout leur talent.

“Souvent, dans les films, les enfants parlent comme des adultes.” 

– Lise Akoka 

Pourquoi avoir choisi de resserrer l’intrigue sur les deux personnages féminins ?

Romane Guéret : Les deux personnages masculins étaient déjà plus secondaires dans Tu préfères ?. C’est vrai que ce rapport de grandes sœurs existe davantage avec les filles dans la vie. Notre envie de les filmer vient aussi du fait que nous sommes deux femmes qui ont envie de mettre deux femmes en lumière. Ces deux personnages, Shaï et Djeneba, sont évidemment en partie inspirés de nous.

Les Pires, votre dernier film, a obtenu le Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes, en 2022. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?

R.G. : C’est un souvenir complètement gravé dans notre mémoire ! Nous travaillons en faisant du casting sauvage avec des enfants qui n’ont absolument aucun rapport au cinéma. Et Cannes, c’était presque le seul symbole qu’ils avaient en tête. Partager ça avec eux, les voir fiers, c’était magnifique. Et puis, le Prix, c’était la cerise sur le gâteau !

Qu’est-ce qui vous fascine autant dans cette période de l’enfance, qui est au cœur de tous vos films ?

L.A. : C’est vrai que ça revient sans cesse. Je pense qu’on est à la recherche d’une certaine vérité, très difficile à atteindre, car les films sur les enfants ont évidemment toujours été faits par des adultes. Personnellement, je ressens ça comme une sorte de défi : de réussir à leur rendre hommage sans qu’ils subissent cette transformation du regard adulte. Cela passe notamment par le dialogue, car souvent, dans les films, les enfants parlent comme des adultes.

C’est votre cinquième réalisation en binôme. Comment vous répartissez-vous le travail ?

R.G. : On fait quasiment tout ensemble ! Mais sur le plateau, nous avons nos endroits de confort. Moi, je dirais que je suis plutôt du côté de la mise en scène et Lise, du côté de la direction, du jeu.

Que souhaitez-vous que le public retienne de Ma frère ?

L.A. : J’aimerais qu’il reçoive ce film comme une déclaration d’amour à ces jeunes qui sont pleins de drôlerie et d’intelligence. Et que cela contribue à faire glisser le regard sur ce qu’on appelle “les jeunes de quartier”. J’aimerais également que des gens d’autres générations prennent plaisir à apprendre de leur langage, parfois merveilleusement inventif, avec un mélange très savoureux de formules littéraires et d’argot.