Marcel et Monsieur Pagnol : le biopic animé signé Sylvain Chomet
Dans Marcel et Monsieur Pagnol, présenté en Séance spéciale, Sylvain Chomet retrace la naissance d’une figure des lettres et du cinéma. Mêlant regard intime, narration inventive et hommage au cinéma parlant, l’auteur des Triplettes de Belleville (2003) et de L’Illusionniste (2010) signe un biopic animé et poétique sur Marcel Pagnol.
Quand a débuté la gestation de Marcel et Monsieur Pagnol ?
Il y a huit ans, j’ai été contacté par Nicolas Pagnol, le petit-fils de Marcel Pagnol et Nicolas Poiret, le petit-fils du producteur Alain Poiret. Ils m’ont demandé si j’aimais Pagnol car ils souhaitaient me confier la réalisation d’un documentaire. Le projet m’intéressait parce que je n’avais encore jamais été sur ce terrain. Lorsqu’ils ont commencé à chercher des financements, les producteurs approchés ont adoré l’une des petites scènes animées qu’ils m’avaient demandé de réaliser pour remplacer les archives manquantes. C’est de cette manière que l’idée d’un film d’animation a germé. Avec la connaissance que j’avais acquise de Pagnol en écrivant le documentaire, j’avais assez de matière pour me faire plaisir. C’est un film qui est assez unique en son genre et je suis très heureux du résultat. Un biopic sur la vie entière d’une célébrité, il n’y en existe pas énormément.
De quelle manière la famille Pagnol a-t-elle collaboré avec vous ?
Nicolas Pagnol m’a laissé carte blanche et il a été une grande source d’inspiration. Il connaît parfaitement la vie de son grand-père et m’a confié des moments de sa vie qui sont un peu plus durs et dont le grand public ne sait rien. Il m’a expliqué qu’il n’y a pas de tabou chez les Pagnol. Je ne pense pas que j’aurais accepté de faire ce film s’il n’avait pas été là et si nous n’avions eu cette relation de confiance.
Vous avez pris le parti d’un axe narratif original pour aborder cette histoire : créer la rencontre entre Pagnol et son double enfantin.
Ce que je souhaitais éviter, c’était de raconter son enfance. Tout le monde la connaît. La Gloire de mon père, Le Château de ma mère, Le Temps des secrets, Le Temps des amours… de nombreux films basés sur les livres qui racontent son enfance ont déjà été mis en scène. Je voulais davantage raconter comment Marcel est devenu Pagnol. Comment ce petit garçon qui écrivait des poèmes pour sa mère qu’il adorait, qui rêvait d’écrire des pièces en alexandrins, des tragédies grecques, est arrivé à Paris et, en l’espace de quelques années, est devenu le plus grand auteur dramatique de France, puis un réalisateur de cinéma. Cette option me permettait de faire dialoguer les deux époques.
Votre film retrace le destin d’un homme qui a traversé le 20e siècle et les bouleversements de l’industrie du cinéma. Quelle a été son influence ?
C’est quelqu’un qui a globalement touché à tout avec un grand succès. C’est lui qui a eu l’idée de sortir la caméra des studios. C’est la première personne qui a commencé à tourner en direct, à l’extérieur, dans de vrais environnements, avec des gens qui ne sont pas des acteurs, et cela a énormément inspiré la Nouvelle Vague et le cinéma réaliste italien. Il faut savoir que Pagnol détestait le cinéma muet. Il ne supportait pas de voir des gens faire des grimaces pour essayer de faire passer des émotions. Sans le dialogue, c’était pour lui un art mineur. Et après, il a créé un cinéma chantant ! C’était vraiment quelqu’un qui était passionné par toutes les techniques modernes qui s’offraient à lui. Surtout, il vivait à une époque où le monde changeait à une rapidité incroyable. C’était un homme dans l’air du temps. L’invention des voitures, l’invention du téléphone, de la radio, l’invention des avions, de la télévision. Il a pris ces évolutions à bras le corps. C’était un bricoleur de génie.
De quelle façon avez-vous articulé le film ?
J’ai découpé le film en deux grosses parties. La première partie est théâtrale. Je l’ai vraiment filmée comme une pièce de théâtre, sans mouvement de caméra ni de zoom. Les personnages se déplacent sur la scène ou dans l’espace dans lequel ils vivent. Ensuite, avec l’arrivée du cinéma dans le récit, j’utilise la caméra. La tonalité générale est poétique, mais c’est avant tout un film sur le cinéma et sur l’invention du dialogue au cinéma. C’est un film d’animation qui rend hommage au cinéma de prise de vue réelle et avec une force identique. J’espère avoir réussi à démontrer que l’animation, c’est du cinéma.