Les 25 ans de Dogma : interview de Kevin Smith
Il est venu à Cannes à trois reprises, pour Clerks en 1994, Dogma en 1999, Clerks 2 en 2006 : l’iconique Kevin Smith est de retour pour présenter Dogma en version restaurée à Cannes Classics. Il se livre pêle-mêle sur ce film culte retrouvé, ses convictions religieuses et un sequel en préparation.
Pourquoi cette restauration, 25 ans après la sortie du film ?
Le film est revenu à moi. Alessandra Williams, qui s’occupe du film, l’a récupéré des mains d’Harvey Weinstein. Il en détenait les droits depuis des années. Dogma était resté enfermé dans son placard. Puis il a eu des ennuis, comme tout le monde le sait. Il avait besoin d’argent pour son procès. Quelques films faisaient partie de sa collection personnelle, comme Kids (1995) de Larry Clark, et Alessandra a réussi à lui racheter Dogma.
J’ai alors fait une tournée à travers les États-Unis avec le film : je l’ai montré dans les salles. Et un jour, Alessandra m’a annoncé qu’il serait projeté à Cannes. J’étais stupéfait. Simplement parce qu’elle avait eu cette vision, et qu’elle avait sauvé le film.
Quels souvenirs gardez-vous de vos passages à Cannes ?
Je suis venu trois fois à Cannes, mais soyons honnêtes : je n’ai pas fait de film digne d’y être présenté depuis longtemps. Je ne pensais pas y revenir un jour. Donc oui, on vit un peu un rêve en ce moment.
Je me souviens qu’à l’époque de Dogma, ils avaient installé des détecteurs de métaux au Palais pour la première fois, parce qu’il y avait des menaces de mort !
Vous reconnaissez-vous encore dans la personne que vous étiez à cette époque ?
Je suis actuellement en tournée aux États-Unis pour présenter le film. Je le vois donc presque tous les soirs, avec le public, suivi d’une séance de questions-réponses. Et chaque fois que je lève les yeux vers l’écran, je vois le gamin qui a fait ce film. Celui qui l’a écrit avant même Clerks.
Ce gamin croyait en tout ce qu’il montrait à l’écran. Dogma, c’était sa religion, une prière d’enfant. Je me souviens de ce qu’il ressentait, de son désir d’exprimer sa foi. Il voulait inventer sa propre version de l’Église. C’est ça, Dogma : ma vision du service dominical… avec des blagues anales.
Quand je le regarde aujourd’hui, je le reconnais parfaitement. Et je suis aussi pleinement conscient que je ne pourrais plus jamais faire ce film, parce que je ne crois plus. Et pourtant, curieusement, j’en écris la suite. J’y travaille depuis six mois. Mais cette fois, le réalisateur que je suis n’a plus la foi.
De quoi parlera cette suite ?
De cette question : Comment peut-on être chrétien quand on ne l’est plus ? Même si je ne me considère plus comme croyant, je mène toujours une vie assez chrétienne. C’est quelque chose qui m’a été transmis dès l’enfance. Quand j’ai appris à marcher, j’ai aussi appris à être bon avec les autres. Ce truc-là ne disparaît pas juste parce qu’on déclare : « Je ne crois plus en Dieu. »
Le film parlera aussi du diable. On ne parle pas assez du diable dans Dogma.
Et le casting ?
Les mêmes ! Tous ceux qui sont encore en vie. Mais je ne peux pas aller voir Ben Affleck et lui dire : « J’ai besoin de toi pendant un mois, bloque ton agenda, tu ne seras pas payé ! » Cette époque est révolue. Cela dit, les anciens seront là. Utilisés à bon escient, avec discernement.