Dites-lui que je l’aime, Romane Bohringer revisite son passé
Pour son second long métrage, Romane Bohringer adapte le livre autobiographique de la députée de gauche Clémentine Autain, Dites-lui que je l’aime, une œuvre émouvante dans laquelle cette dernière raconte son enfance auprès de l’actrice Dominique Laffin, décédée alors que Clémentine avait 12 ans. Romane Bohringer y a vu un parallèle si fort avec sa propre vie qu’elle en a tiré un film, présenté en Séance Spéciale.
Quelle est la genèse de votre film ?
J’ai rencontré Clémentine Autain lors du tournage de L’Amour flou, mon premier film. Elle y interprétait un petit rôle — son propre rôle. Elle s’est prêtée à cet exercice avec beaucoup de grâce et de générosité. C’est là qu’elle m’a dit qu’elle écrivait un livre sur sa maman. J’étais loin d’imaginer, à ce moment-là, que sa lecture provoquerait une sorte d’évidence, et qu’elle s’imposerait comme sujet de mon deuxième long métrage.
J’ai été bouleversée par la gémellité de nos histoires, qui est aussi celle de tous les enfants ayant souffert de l’absence ou de la défaillance d’un père ou d’une mère. Elle décrivait tout ce que j’avais envie de raconter sur l’enfance blessée, un thème qui me touche depuis longtemps. J’ai voulu parler de cette enfant meurtrie qui, devenue adulte, entreprend un chemin difficile pour accéder à une forme d’apaisement.
Quel rôle a joué Clémentine Autain une fois que vous avez décidé d’adapter son livre ?
J’en suis encore émue, car travailler avec un auteur peut se révéler périlleux. Or, dès la première minute, Clémentine, qui avait beaucoup aimé L’Amour flou, m’a dit : « Je te donne les droits du livre, fais-en ce que tu veux. »
Le scénario est progressivement devenu un enchevêtrement de nos quatre histoires : celles de nos mères, et les nôtres. C’est alors que je lui ai demandé de s’incarner elle-même dans le film. Elle s’est prêtée au jeu avec une réelle sérénité et beaucoup de générosité. Pourtant, je me suis approprié ses souvenirs, et j’ai restructuré des pans entiers de sa vie.
Cela ne vous a pas trop remué de vous pencher sur votre passé ?
Ce qui remue, plutôt, c’est la vie. Le fait que cela se transforme en objet — dans mon cas, en films, en fêtes, en équipes. On est allé rechercher des photos, des réponses, des choses que je n’aurais pas cherchées si je n’avais pas fait ce film. Devenir réalisatrice de sa propre histoire, comme pour L’Amour flou, qui avait transformé une rupture douloureuse en un souvenir gai et apaisé, met les choses à une distance si joyeuse qu’on est capable de déplacer des montagnes.
Un mot sur Eva Yelmani qui interprète Dominique Laffin ?
Dès le début, il y avait cette idée que l’on verrait Dominique Laffin jeune maman dans quelques scènes. La question de la ressemblance physique s’est rapidement posée, et l’idée s’est imposée de choisir une personne non connue. Je l’ai trouvée en sortant du théâtre, un jour. Telle une apparition, j’ai vu passer une silhouette élancée, très brune, un peu punk : c’était elle. Elle ressemblait d’ailleurs bien plus à ma propre mère qu’à celle de Clémentine Autain. Elle est à la fois Dominique et Marguerite, elle a tout balayé sur son passage.